Article de l’Humanité du 4 juillet 25. Clémentine Eveno

Une majorité de députés a approuvé, jeudi 3 juillet, une mesure censée faciliter l’embauche des plus de 60 ans. Baptisé « contrat de valorisation de l’expérience » (CVE), ce nouveau dispositif « fait perdre beaucoup aux salariés, et gagner encore un peu plus aux employeurs », a cinglé l’élu communiste Nicolas Sansu.
La création d’un CDI senior baptisé « contrat de valorisation de l’expérience » (CVE), à titre expérimental les cinq prochaines années suivant la promulgation de la loi, a été adoptée ce jeudi 3 juillet. La mesure – provenant d’un projet de loi déjà adopté au Sénat – est censée faciliter l’embauche des demandeurs d’emploi d’au moins 60 ans, voire dès 57 ans en cas d’accord de branche.
En réalité, il s’agit plus d’un contrat à durée déterminée que d’un CDI, assorti d’un nouveau cadeau au patronat : le demandeur d’emploi senior devra en effet, dès l’embauche, fournir un document de l’assurance vieillesse précisant l’âge auquel il pourra prétendre toucher une retraite à taux plein. Et dès lors que le salarié en CVE aura cumulé les deux conditions nécessaires – avoir atteint 64 ans et cotisé suffisamment de trimestres –, l’employeur pourra mettre fin à son contrat et sera, cerise sur le gâteau, dispensée de payer la contribution patronale spécifique de 30 % due sur le montant de la mise à la retraite.
Quant aux salariés, peu importe qu’ils veuillent continuer de travailler : ils seront automatiquement mis à la retraite. Ils ne pourront donc plus prétendre aux allocations de France Travail, ni de l’aide de l’agence pout la recherche d’emploi, puisqu’ils dépendront de l’assurance retraite. Or de plus en plus de Français sont contraints de devoir travailler après l’âge de départ légal à la retraite pour des raisons financières. D’après la Cour des comptes, il y avait, en 2020, environ 710 000 personnes en cumul emploi-retraite, même si toutes n’étaient pas en situation de précarité.
« C’est une vieille lune du patronat et de la droite »
Le texte a été approuvé par 57 voix pour – majoritairement par la droite et l’extrême droite – contre neuf et va désormais faire l’objet de discussions entre députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire (CMP). La ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, pour le défendre, a argué que l’emploi des seniors en France était l’un des « points faibles » de la France, rappelant un taux d’emploi des plus de 60 ans de 38 %, contre 61 % en Allemagne et 70 % en Suède.
Mais la députée Sophie Taillé-Polian (groupe écologiste et social) a rappelé « le passage en force » de la réforme des retraites de 2023, et a fustigé la « politique contradictoire du gouvernement » consistant à reculer « l’âge de départ à la retraite » à 64 ans « sans pour autant » s’être « préoccupé vraiment de la précarité des seniors en situation d’exclusion sur le marché du travail ».
« C’est une vieille lune du patronat et de la droite, qui affaiblit le CDI », a cinglé le député communiste Nicolas Sansu (Gauche démocrate et républicaine). « Ce nouveau contrat fait perdre beaucoup aux salariés, et gagner encore un peu plus aux employeurs », a déploré l’élu.
La France insoumise, ne participera « pas au réenchantement de la mise au travail forcée de nos aînés », a également taclé la députée Ségolène Amiot, estimant que ce contrat est de la poudre aux yeux qui cache un « nouveau cadeau au patronat, une nouvelle exonération de cotisations ».
Une négociation obligatoire au moins tous les quatre ans
D’autres mesures issues du même projet de loi ont été adoptées. Les députés ont aussi voté pour rendre obligatoire une négociation au moins tous les quatre ans, autour de l’emploi et du travail « des salariés expérimentés », à la fois au sein des branches professionnelles et pour les entreprises de plus de 300 salariés.
La gauche a tenté, sans y parvenir, de rendre obligatoire cette négociation pour les entreprises de plus de 50 salariés. Le projet de loi prévoit également l’entrée en vigueur d’une petite évolution dans l’assurance chômage : les primo-accédants devront avoir travaillé cinq mois, au lieu de six, pour avoir droit à leur allocation. Un accord supprimant la limite de trois mandats successifs pour les élus du Comité social et économique (CSE), répondant à une revendication syndicale, a également été approuvé.