Article de Cyprien Caddeo publié dans l’Humanité le 14 avril 2025

Le premier ministre convoque, ce mardi 15 avril, une conférence sur les « pathologies budgétaires » françaises, en présence de membres du gouvernement, de parlementaires et d’élus locaux. Le premier acte d’un plan d’économies de 40 à 50 milliards d’euros pour 2026.
L’homme qui a voulu enterrer le « conclave » sur les retraites lance désormais sa « grand-messe » de l’austérité. Ce mardi 15 avril, François Bayrou convoque à Matignon les ministres de l’Économie et des Comptes publics Éric Lombard et Amélie de Montchalin, en présence de parlementaires et d’élus locaux, pour une grande conférence consacrée aux « pathologies budgétaires » de la France. L’association des maires de France a annoncé boycotter le raout, invoquant l’inquiétude des collectivités d’être mises à contribution dans cette nouvelle cure d’austérité.
« La France traîne des pathologies, (…) ou en tout cas des déséquilibres depuis des décennies. Allez, disons depuis trente ans », a déclaré le premier ministre à la presse, en marge d’un déplacement, vendredi dernier. Cette maladie française, selon le docteur Bayrou, c’est bien sûr l’endettement, et la dépense publique.
La couleur est donc annoncée, même si la conférence ne devrait pas déboucher sur des décisions concrètes, mais seulement servir d’amorce aux futures discussions. Car elle intervient au moment où la France doit envoyer son plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) à la Commission européenne. Celui-ci indique la feuille de route de Paris en matière de finances publiques pour les prochaines années et a vocation à rassurer Bruxelles.
Surtout, le gouvernement Bayrou est d’ores et déjà en train de préparer le budget 2026, deux mois après avoir accouché dans la douleur de celui de 2025, qui avait conduit le précédent premier ministre, Michel Barnier, à la chute après le vote d’une motion de censure à l’Assemblée nationale.
« L’équivalent du budget de l’Éducation nationale »
Pour déminer le terrain le plus tôt possible, l’exécutif veut border son texte dès ce printemps. Or, l’exercice budgétaire 2026 s’annonce encore plus conflictuel, Éric Lombard ayant annoncé une réduction des dépenses à hauteur de 40 milliards d’euros, quand d’autres sources gouvernementales évoquent même 50 milliards.
« Nous sommes en état d’alerte budgétaire », a lancé le ministre de l’Économie. L’effort demandé sera colossal quelle que soit la somme retenue et implique, la Macronie écartant toujours des hausses d’impôts, autant de coups de sabre dans les services publics.
Cela même si Éric Lombard assure qu’une partie de cette somme peut être dégagée grâce à « une augmentation des recettes liées à la croissance » – scénario en réalité peu probable vu que ses propres services, à Bercy, ont abaissé la prévision de croissance pour 2025 à 0,7 % du PIB. « 40 à 50 milliards d’euros, c’est l’équivalent du budget de l’Éducation nationale qui passe à la moulinette, c’est de l’austérité XXL », dénonce le porte-parole du PCF, Ian Brossat.
« Le peuple de France est traité comme la Grèce en 2010 », estime pour sa part l’insoumis Jean-Luc Mélenchon. Face à ces annonces, les députés LFI se sont déclarés « prêts à déposer une nouvelle motion de censure », à condition « d’avoir une garantie que tous les députés de gauche, au moins, la votent ».
Pour justifier ce nouveau régime drastique, le gouvernement invoque le double contexte de crise internationale, avec, d’un côté, l’appel à augmenter les dépenses de défense pour soutenir le front ukrainien et pallier le désengagement des États-Unis et, de l’autre, les effets des taxes douanières décidées par Washington dans le cadre de sa guerre commerciale contre l’Union européenne.
Selon Bercy, 28 000 entreprises françaises exportent aux États-Unis et pour 40 % d’entre elles ce marché représente la moitié de leur production. Cette situation n’appelle pas d’aides directes supplémentaires, mais coupe court à la discussion sur la participation des grandes entreprises à l’effort budgétaire, aux yeux du gouvernement.
Pour la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, exit le « quoi qu’il en coûte », l’heure est désormais au « quoi qu’il arrive » – il faut plutôt comprendre « quoi qu’il en coupe ». « Nos déséquilibres financiers sont d’autant plus difficiles à traiter que nous sommes entrés en temps de crise. Et nous allons cependant les exposer aux Français pour partager avec eux (…) tous les risques », a assuré de son côté François Bayrou.
Retraite à 65 ans et nouvelle réforme du chômage
Une promesse de « pédagogie » qu’ont peu goûtée les syndicats, déjà passablement agacés par le précédent du conclave des retraites, interrompu de fait par le refus de François Bayrou de revenir sur l’âge de départ (même si les discussions ont repris par la suite).
Fin de l’article : https://www.humanite.fr/politique/austerite/40-milliards-deconomies-bayrou-annonce-la-grand-messe-de-lausterite