
TAprès la menace de fermeture de Vencorex, la décision gravissime le 10 avril du tribunal de commerce de Lyon vient de décider d’offrir l’entreprise au chinois Wanhua, en liquidant au passage 273 emplois. Nombreux sont les syndicalistes, élus, citoyens mobilisés dès le premier jour tandis que l’État n’a pas pris sa responsabilité. Il a refusé dans un premier temps la nationalisation provisoire pour ensuite saboter le projet porté par les salariés. L’Humanité a largement documenté ce scandale.
Dans leur décision, les juges consulaires n’ont pris en compte que le montant du chèque de Wanhua de 1,2 million d’euros et l’engagement de 19 millions d’investissement d’ici à 2027, sans examen des conséquences territoriales, humaines et sur notre souveraineté nationale : 2 000 postes en aval et 6 000 en amont menacés et la fragilisation de l’activité de la filière chimie, nucléaire, aéronautique et de défense dépendante des productions de Vencorex. Sont ainsi livrés sur un plateau à Wanhua les brevets et les procédés industriels de l’entreprise ! Malgré le soutien des élus territoriaux, de banques et d’entreprises qui s’engageaient à participer au tour de table financier, le tribunal s’est obstiné et le gouvernement n’a pas jugé bon d’intervenir pour sauver ce fleuron industriel français.
La situation de Vencorex illustre dramatiquement les conséquences de la désindustrialisation du pays qui peut atteindre un point de non-retour. Le gouvernement doit désormais intervenir en urgence et utiliser le levier de la nationalisation transitoire le temps que le projet porté par les salariés puisse aboutir comme le demandent les syndicats CGT et CFE-CGC. Et il doit décréter un moratoire sur les plans de licenciements dans l’industrie. En outre, deux décisions sont nécessaires pour cesser la liquidation de notre industrie via les tribunaux de commerce.
La première décision, c’est de voter la proposition de loi déjà présentée sans succès, il y a quelques années, par Marie-George Buffet et redéposée en 2023 par le groupe GDR à l’Assemblée nationale « pour le droit de préemption des salariés en cas de vente de leurs entreprises ». Cela leur permettrait d’être prioritaires lorsqu’ils souhaitent acheter cette entreprise pour la transformer en coopérative. La société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) Vencorex permettrait non seulement aux salariés de devenir copropriétaires, mais également codécisionnaires avec tous ceux – territoires, entreprises de la filière chimique – qui le décideraient. Une gestion démocratique et une fixation sur le territoire sans risque de délocalisation, ni d’OPA. Dans ce cadre, le tribunal de commerce n’aurait pas pu faire le choix de Wanhua.
La deuxième décision, c’est de modifier en profondeur la composition des tribunaux de commerce qui doivent comprendre des salariés et des élus territoriaux et plus seulement un petit cénacle de patrons du commerce. Le montant du « chèque de reprise » ne peut plus être le seul critère. Les conséquences industrielles, sociales, territoriales et écologiques doivent être examinées en priorité, ce que ne font pas les tribunaux de commerce. Les lois protégeant les salariés et les territoires doivent s’imposer aux juges consulaires.
Pour l’entreprise Vencorex, la somme nécessaire à la poursuite de l’activité était au total de 120 millions d’euros. Une somme quasi dérisoire au regard du coût des licenciements, des conséquences sociales et territoriales et du coût écologique. Dans la loi sur le droit de préemption, il était proposé, avec l’aval de l’intersyndicale de l’épargne salariale, d’affecter au financement des reprises d’entreprises par les salariés non seulement des tours de table des banques solidaires et des territoires, mais aussi des sommes issues de l’épargne salariale. En prélevant seulement 10 % sur les 148 milliards de cette épargne, il serait possible de financer de multiples reprises !
Cessons de laisser la France s’appauvrir sans bruit, exigeons le développement des coopératives ouvrières et des SCIC, lieu d’émancipation, de démocratie, premier nouveau droit des salariés. Organisons une campagne pour obtenir le droit de préemption des salariés, ainsi qu’il est proposé dans le programme du NFP, après de longues années de bataille de la commission nationale économie sociale et solidaire du PCF. Ce serait un premier pas vers l’obtention pour que les salariés disposent de nouveaux pouvoirs d’intervention sur les choix des entreprises comprenant un droit de veto et un droit de contre-proposition avec les moyens financiers permettant de l’exercer.RIBUNE