
« Les organisations syndicales encore présentes ont signifié cesser de participer définitivement aux discussions »
Le Premier ministre se félicite que les organisations participantes aient accepté de ne pas remettre en cause les conditions d’âge introduites dans la réforme de 2023, saluant un soi-disant « esprit de responsabilité » des partenaires sociaux, dans la perspective d’un retour à l’équilibre financier en 2030.
Pour autant, les organisations syndicales encore présentes ont signifié cesser de participer définitivement aux discussions.
Il identifie plusieurs « accords pour ainsi dire acquis » qui justifieraient un nouveau round de discussions de 15 jours à 3 semaines pour :
- Avancer l’âge d’annulation de la décote à 66 ans et demi, au lieu de 67 ans
- Améliorer les retraites des femmes ayant eu des enfants (en intégrant les trimestres pour enfants dans le calcul)
- Mieux prendre en compte la pénibilité du travail
Toutes ces mesures ne s’appliqueraient qu’aux futurs départs, sans aucun effet pour les retraité·es actuels. Elles sont accompagnées de mesures de compensation financière, notamment pris sur la branche ATMP, et d’économies sur les dispositifs de cumul emploi-retraite.
François Bayrou ouvre également la porte à une transformation de la gouvernance. Quant à la question de la revalorisation des pensions, elle sera abordée mi-juillet dans le cadre des débats sur les finances publiques.
La majorité des dispositions nécessiterait une transposition législative, potentiellement dans le cadre du prochain Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS).
Un rapport de force déséquilibré au profit du patronat
La délégation permanente a été convoquée sur la base implicite que, faute d’accord, la réforme de 2023 continuerait de s’appliquer. Le gouvernement a ainsi offert au patronat un cadre favorable pour dérouler une série de propositions régressives, sans jamais envisager un compromis remettant en cause la réforme.
La CGT a quitté ces réunions lorsqu’il est apparu officiellement que l’abrogation des mesures d’âge n’était pas même au menu, écartée par François Bayrou en cours de route.
➡️ Aucune amélioration réelle n’est proposée. Le retour à l’âge légal de départ à 62 ans n’est même pas évoqué. De graves reculs sur le dispositif » carrières longues » sont même possibles.
La fuite organisée d’un pré-rapport du Conseil d’orientation des retraites, quelques jours avant la séance de rédaction du projet d’accord, illustre les torpillages des macronistes.
I / Annulation de la décote à 66 ans et demi
Une concession légère sur le taux plein automatique. Actuellement, les personnes aux carrières hachées — souvent des femmes — doivent atteindre 67 ans pour voir la décote annulée en cas de carrière incomplète.
- Environ 70 000 départs annuels à cet âge (13 % des femmes, 8 % des hommes)
- 11 % des départs se font avec une décote
- Les plus pénalisé·es par cette décote seraient concerné·es
Cette mesure permettrait de partir 6 mois plus tôt pour éviter une décote. Mais elle ne règle pas le problème de fond : le coefficient de proratisation continue de s’appliquer aux carrières incomplètes.
II / Légère amélioration des retraites des femmes ayant eu des enfants
Aujourd’hui, les trimestres de majoration pour maternité ne servent qu’à l’obtention du taux plein. Lorsqu’une femme atteint cette durée grâce à ses cotisations, ces trimestres deviennent « non-utiles ».
La proposition : permettre aux femmes d’utiliser ces trimestres pour que leur pension soit calculée sur les 24 ou 23 meilleures années (au lieu de 25), selon le nombre d’enfants.
❗ Limites :
- Mesure applicable uniquement si 25 années pleines sont prises en compte
- Exclusion des femmes aux carrières hachées, courtes ou mixtes (public/privé)
- Pas de clarification sur les situations polypensionnées
- et surtout une revalorisation de seulement 1%, pour les femmes ayant eu des enfants (30% des femmes concernées)
III / Carrières longues : un petit plus (intégration de 2 trimestres maternité dans le dispositif) et un énorme recul (durcissement pour les personnes ayant commencé à travailler entre 19 et 21 ans)
Le dispositif « carrières longues » permet de partir avant l’âge officiel de 64 ans si on a commencé à travailler avant 21 ans. Les « carrières longues restent rallongées.
Il repose sur les trimestres cotisés, avec certaines périodes assimilées (chômage, maladie, service national…). Mais les trimestres de majoration maternité en sont exclus, pénalisant les femmes.
La proposition : retenir jusqu’à 2 trimestres maternité dans le calcul des carrières longues, favorisant un départ anticipé pour les mères.
Cette mesure pourrait être transposée par décret, via une modification de l’article D.351-1-2 du Code de la Sécurité sociale.
A l’inverse, les conditions pour accéder au dispositif « carrières longues » seraient durcies. Par exemple il faudrait 7 trimestres l’année des 19 ans au lieu de 5, pour partir à 62 ans.
Chaque année, environ 50.000 femmes et hommes ayant commencé à travailler avant 21 ans sortiraient du dispositif… et seraient tenus d’attendre 64 ans pour partir en retraite, soit 4 ans de recul pour certains, en cumulant le report dû à la réforme 2023 et cette disposition.
IV / Meilleure prise en compte de la pénibilité (coût estimé : 400 M€)
François Bayrou évoque « deux points et demi d’accord » :
- Réintégration de 3 critères ergonomiques dans le Compte Professionnel de Prévention (port de charges lourdes, vibrations mécaniques, postures pénibles), ne figure pas le 4ème critère supprimé en 2017, l’exposition aux substances chimique
- Cartographie des métiers exposés, assortie d’une politique de prévention
Mais un désaccord profond persiste sur la réparation : syndicats pour une reconnaissance collective, patronat pour un traitement individuel par avis d’un médecin. Autant dire que le patronat campe contre toute reconnaissance même timide de la pénibilité du travail.
Particularités proposées :
- Points obtenus avec les critères ergonomiques utilisables en priorité pour la formation
- Acquisition : 3 points/an (contre 4 pour les autres critères)
- Mise en place d’un système à double compteur, peu lisible
Estimation :
- 120 000 salarié·es supplémentaires/an pourraient acquérir des points, qui servent d’abord à se reconvertir
- 5 000 à 10 000 départs anticipés/an si les nouveaux critères ouvraient ce droit … mais le projet de texte prévoit que les employeurs pourraient opter pour ne pas l’appliquer, notamment par accord de branche. On doute de la réalité d’atteindre ce nombre déjà très faible de départs anticipés supplémentaires.
V / Financement : surcotisation ATMP et réforme du cumul emploi-retraite
- Compensation de la pénibilité via une surcotisation patronale ATMP (400 M€)
- Réduction des avantages liés au cumul emploi-retraite, jugés trop favorables par la Cour des comptes
📉 Proposition :
- Écrêtement total des pensions en cas de départ anticipé
- Écrêtement à 50 % au-dessus de 7 000 €/an entre l’âge légal et celui d’annulation de la décote
- Pas d’écrêtement au-delà
💰 Économie attendue :
500 M€, sans impact sur les petites retraites. La CGT n’est pas opposée à cette mesure, qui limite les effets d’aubaine du cumul emploi-retraite, que nous combattons.
VI / Réforme de la gouvernance des retraites
François Bayrou évoque une évolution de la gouvernance des retraites du privé, sous condition d’un retour à l’équilibre.
Objectif : revoir le pilotage de la CNAV, en s’inspirant du modèle AGIRC-ARRCO, avec :
- Une règle d’or de gestion à 15 ans
- Des accords de pilotage stratégiques tous les 4 ans
Ces « règles d’or » changent la nature du système en sous-indexant les pensions de façon systématique. A terme cela remet en cause le principe de fonctionnement de notre régime par répartition, à prestation définie (les pensions sont garanties) vers un système à cotisation définie (les ressources, notamment cotisations patronales ne bougent pas ou baissent, entraînant des baisses des pensions).
VII / Désindexation des pensions
Aucune des mesures proposées ne permet de rétablir l’équilibre financier. Les projets successifs misent sur une très importante sous-indexation des pensions.
➡️ Introduction d’un « coefficient de soutenabilité », sur le modèle AGIRC-ARRCO (-0,4 points sous l’inflation)
Dernière version (23 juin) :
- Sous-indexation de 0,8 point en 2026, puis 0,4 point/an jusqu’en 2030
Conséquences :
- Pour une pension de base moyenne de 800 €/mois : perte cumulée de 746 € sur 2026-2030
- Retraites complémentaires (464 €/mois en moyenne) : 350 € de pouvoir d’achat perdus
Un danger pour la suite
Le Premier ministre annonce que les principales mesures seront intégrées dans le PLFSS, même sans accord. Ce n’est ni une abrogation de la loi de 2023, ni un compromis. C’est un nouveau recul, qui remettrait en cause notre système par répartition, au détriment des retraité·es et futur·es retraité·es.
Une majorité pour l’abrogation
- 2 Français·es sur 3 souhaitent l’abrogation
- La résolution présentée le 5 juin par la gauche à l’Assemblée a été adoptée à une très large majorité
L’appel de la CGT
Fidèle à la position intersyndicale de 2023, la CGT demande un vote clair à l’Assemblée, sans obstruction ni 49.3, ou la tenue d’un référendum.
Pendant ce temps, le Premier ministre annonce un plan d’austérité de 40 milliards d’euros, épargnant les profits et visant les actifs et les retraité·es :
- Coupes dans les services publics
- Réductions des droits sociaux
- Durcissements sur les retraites
Préparons la rentrée !
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